Tout à la fois trivial et inattendu, un propos de Jacques Lacan faisait observer que chaque psychanalyste se trouve forcé (oui, « forcé ») de réinventer la psychanalyse. Avec ses débats, ses dissidents, ses schismes, l’histoire du mouvement freudien rend éclatante cette vérité. Elle se confirme une nouvelle fois ici même où l’on pourra apercevoir qu’au fil des articles, des interventions, des livres s’est peu à peu configurée une figure originale de la psychanalyse.
Je ne prise pas l’originalité. Ni ne me suis jamais proposé de réinventer l’analyse. Cette réinvention s’est de fait dessinée sans que je le sache au long d’un parcours qui a d’abord mis l’accent sur l’instance de la lettre (1979, la translittération), puis a reconnu l’exercice analytique comme un exercice spirituel (2007) et qui s’est récemment prolongé avec la surprenante mise en valeur chez Lacan de deux analytiques du sexe (celle du lien, de l’objet, celle du lieu, célibataire).
Jusque-là négligés, certains termes se sont alors imposés comme autant de références indispensables pour l’exercice analytique : la volonté, la liberté, l’honneur (« Qu’est-ce qu’un aliéné authentique ? », se demande Antonin Artaud. Il répond : « Un homme qui a préféré devenir fou plutôt que de forfaire à une certaine idée supérieure de l’honneur humain. ») D’autres notions ont été revisitées : le deuil, le passage à l’acte, l’image.
Cette orientation a également eu pour effet de ne pas passer outre l’émergence d’un nouveau champ qui problématise lui aussi l’érotique : le dit champ gay, lesbien, trans, etc., d’un mot : queer. Il est apparu exclu de négliger quantité de travaux érudits qui, notamment, contestent un certain nombre de ceux qui, dès lors, apparaissaient comme autant de préjugés psychanalytiques.
Janvier 2023
Jean Allouch